Nullification : les États de l’Union versus NDAA

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Il est extrêmement difficile de découvrir certains mouvements en cours aux USA, qui contrarient radicalement la dynamique en cours du Système, dito l’absolutisme policier et militarisé du centre en plein développement contre les dispositions d’autonomie et de liberté des citoyens dans le but d’établir une structure générale de contrainte policière militarisée qui continueraient à porter le nom glorieux de the United States of America. L’un des principaux instruments de cette contrainte est la loi budgétaire du Pentagone de l’année FY2012, dite NDAA (National Defense Authorization Act), passée en novembre 2011 ; plus précisément, une disposition de la loi NDAA, dans ses sections 1021 et 1022 qui visent le territoire même des USA, introduites d’une façon tout à fait inhabituelle sinon mystérieuse, et dans tous les cas significative. La commission des forces armées du Sénat qui a rédigé la loi et qui était la première soupçonnée à cet égard, à propos des sections 1021 et 1022, a violemment protesté par la voix de son président ; le sénateur Carl Levin a affirmé avec force que la disposition la plus “liberticide” par rapport aux USA, incluant les citoyens de nationalité US parmi les personnes visées, avait été rajoutée sous la pression et à l'initiative exclusive de l’administration Obama.

Quoi qu’il soit, NDAA/Sections 1021 et 1022 institue de facto un état permanent de “loi martiale” permettant l’emprisonnement arbitraire et indéfini, sans aucune protection légale d’aucune sorte, de tout citoyen (y compris, et surtout, de nationalité US) sur le territoire des USA, par les forces armées (militaires). Cette loi constitue l’archétype dans un pays dit “démocratique” d’une disposition centrale d’un État policier autoritaire instituant d’une façon permanente un état de siège caractéristique des États policiers militarisés. (Voir notamment la façon dont NDAA peut être utilisée contre le mouvement Occupy, le 24 décembre 2012.) Ron Paul avait averti des intentions du gouvernement d’imposer une loi martiale permanente sur le territoire US (le 22 août 2011) et il a effectivement interprété la loi NDAA comme telle (le 16 décembre 2012).

Il s’avère qu’un mouvement de contestation de la NDAA est en route aux USA, au niveau des États de l’Union, selon la procédure de nullification, dont le même Ron Paul s’est dit largement partisan (voir le 17 janvier 2012). La “nullification” permet à un État de l’Union de refuser une disposition législative fédérale, en légiférant par sa propre législature dans ce sens. Il semble que le processus est en route dans plusieurs États, notamment, pour les détails, dans l’État de Virginie, – selon le site TenthAmedmentCenter.com, qui mène la bataille contre la loi NDAA. Le 15 février 2012, le site donne les précisions suivantes.

«On Tuesday, February 14th, the Virginia House of Delegates voted in favor of House Bill 1160 (HB1160). The final vote was 96-4.

»The legislative goal of HB1160 is to codify in Virginia law noncompliance with what many are referring to as the “kidnapping provisions” of section 1021 and 1022 of the National Defense Authorization Act of 2012 (NDAA). The official summary of 1160: “A BILL to prevent any agency, political subdivision, employee, or member of the military of Virginia from assisting an agency of the armed forces of the United States in the conduct of the investigation, prosecution, or detention of a citizen in violation of the United States Constitution, the Constitution of Virginia, or any Virginia law or regulation.”

»HB1160 is sponsored by Delegate Bob Marshall and was introduced on 01-16-12. It previously passed out of Sub-Committee #2 Civil, by a vote of 6-3 and the Courts of Justice Committee by a vote of 16-0. After a series of action alerts by the Tenth Amendment Center nationally, and a number of supporting groups locally – Courts of Justice committee members heard from the people they represent that a full house hearing and vote to reject the NDAA is what they wanted. With a 96-4 vote, the Virginia House sent a message on indefinite detentions – a resounding NO!

»“Under the recently passed 2012 federal Defense Authorization Act American citizens may be indefinitely detained, incarcerated, not presented with charges and denied counsel based on an accusation by federal agents of collaboration with or support of terrorists,” said Marshall. “While Virginia cannot directly undo this purported law which undermines the Sixth Amendment, I introduced HB 1160 which will prevent the use of any Virginia agency or member of the Virginia National Guard or Virginia Defense Force to assist in any way to unlawfully detain a citizen of Virginia on behalf of the United States Government in violation of the Constitution of Virginia,” he continued.»

Le même site signale, sur une autre de ses pages, que le même processus est en route dans plusieurs États de l’Union, actuellement au stade d’une résolution refusant la loi NDAA, attendant d’être votée en loi, – dans les États du Vermont, du Maine, du New Hampshire, de la Californie, du Colorado…

Comme nous l’avons dit, il est extrêmement difficile de suivre l’évolution d’un tel mouvement, voire de constater son existence, tant la presse-Système institue autant que faire se peut le blackout à cet égard ; tant, également, la formidable complexité de l’architecture juridique et constitutionnelle des USA rend très difficile à un non-initié de suivre l’évolution d’un tel phénomène qui renvoie à un très grand nombre de dispositions juridiques et constitutionnelles. Dans le cas présent, c’est à partir d’une alerte sur le site DailyPaul.com (le 16 février 2012) que nous sommes parvenus aux informations concernant la Virginie et d’autres États de l’Union.

On doit absolument souligner l’importance de ce mouvement, qui semble être appelé à s’étendre à d’autres États, à l’imitation de la Virginie et d’autres. Il s’agit, stricto sensu, d’une révolte contre le centre sur une question fondamentale de militarisation de la sécurité intérieure, au profit du centre et de l’appareil militaire du centre. On voit qu’il ne s’agit pas d’un processus de “fascisation” dans la mesure où tout doit passer par des dispositions légales, dans la mesure où un tel pays que les USA avec son caractère exceptionnel (pour un grand pays) d’être privé de toute légitimité régalienne doit effectivement préserver sa structure légaliste même s’il s’agit d’instituer un centre qui aurait dans nombre de ses manifestations un aspect baptisé “fasciste” par les esprits passéistes type-XXème siècle et obsédés à cet égard, contrecarrant les principales dispositions légales protégeant les libertés civiles et autres. C’est absolument le cas des USA. La caractéristique essentielle des USA, paradoxale dans ce cas, est que leur architecture même (architecture-Système, anti-historique) et l’esprit de leur construction conforme à la modernité ne leur permettent pas de se passer du légalisme qui est le ciment tenant ensemble ce rassemblement hétéroclite, même si l’on veut instituer un gouvernement qui transgresse toutes les lois protégeant théoriquement contre une structure policière et militarisée se rapprochant du type autoritaire. Aussi parlerons-nous plutôt d’autoritarisme policier et militarisé, dans un cadre parfaitement légal et donc théoriquement démocratique (mais une démocratie type Augias, certes).

Cette situation laisse nécessairement ouverte la possibilité d’une riposte légale (puisque le légalisme reste en vigueur), et cette riposte ne peut venir que des État, selon le principe de “nullification” exalté par Ron Paul. Vu l’importance du débat en cours concernant la sécurité nationale intérieure, avec la loi NDAA, on comprend que l’actuel conflit appuyé sur la nullification contre le centre contient des germes extrêmement puissants, et qui pourraient être rapidement activés en une floraison inattendue et imprévue, d’un conflit entre le centre et des États, si le centre insistait pour intervenir au nom de la NDAA dans des États ayant institué des lois de nullification de la NDAA. Dans ce cas, le conflit, plutôt qu’un “conflit de guerre civile” (ou apparenté) prendrait l’allure d’un “conflit de guerre de sécession”, puisque la riposte de l’État serait effectivement d'affirmer de facto sa sécession d’un centre dont l’autoritarisme serait devenu insupportable. Cette situation est parmi les raisons qui nous font penser que, dans le cadre de la crise haute qui est en train de s’installer, les évènements les plus importants et les plus déstabilisants évoluent et se préparent souterrainement pour éclater, par surprise, dans des occurrences absolument inattendues et imprévisibles.

On comprend alors toute la puissante nuance symbolique qui existe entre le Système qui appelle officiellement Civil War la guerre entre le Sud et Nord de 1861-1865, alors que l’étranger, et notamment la France, la nomme “guerre de Sécession”. Il s’agit, dans le chef du Système, de nier sémantiquement l’arme suprême des États de l’Union en cas de désaccord fondamental avec le centre, qui est le droit à la sécession. Mais avec ce conflit en cours concernant la NDAA et basée sur la “nullification”, le processus de nullification devient effectivement une voie royale vers la sécession… On comprend pourquoi nous continuons, plus que jamais, à argumenter que, dans cette situation de Chute du Système et de crise haute, le destin des USA, centre du Système, n’est nullement la transformation en un État fasciste dans un pays qui n’est en rien un État (au sens régalien du terme), mais bien l’éclatement.


Mis en ligne le 17 février 2012 à 09H29